// pour micky, la famille a toujours été une notion compliquée. quand il est né, il n'était pas seul — et papa, lui, n'était même pas là. le début de quelque chose de bancal. quelque chose d'inattendu. quelque chose qui, pourtant, existe. contre toute probabilité, contre toute rationalité. micky, il n'a jamais été vraiment proche des siens — tout en l'étant plus qu'il ne se l'est jamais avoué. d'un naturel à laisser vivre, il a toujours exigé la même chose de son entourage. et il y a au moins eu son père et sa soeur pour le lui donner. sa mère, elle a toujours été un peu plus exigeante. un peu plus demandante. fallait bien compenser l'éducation laxiste de papa, qu'elle disait. aujourd'hui, micky réalise que c'est peut-être vrai. mais micky s'en fiche autant que le premier jour. il apprécie la liberté que son père lui offre. apprécie d'avoir retrouvé son soutien, après l'accident. d'avoir eu sa surveillance rapprochée mais silencieuse. tolérante. compatissante. en froid avec sa mère, depuis qu'il a fait son sac et demandé à son père de passer le chercher. depuis qu'il a refusé les soins qu'elle voulait lui prodiguer. qu'il a envoyé chié sa propre soeur dans les grandes longueurs, et qu'il leur a claqué la porte au nez. faut dire qu'il n'est pas facile, micky. que sa famille, il est parfois à peine capable de la considérer. qu'il n'en parle jamais. mais ça reste un gamin attachant. gamin attaché. aux exemples aussi bancals que sa propre personnalité.

// sa nonchalance.

// micky, ce n'est pas quelqu'un de facile à approcher. du genre distant, pessimiste et renfermé, c'est le gamin qui tire la tronche presque à longueur de journée. qui reste dans son coin, et qui ne parle pas à moins d'y être obligé. il se fiche qu'on ne lui demande pas son avis. préfère être pris pour acquis. s'en moque, de toute manière plutôt facile à vivre, malgré son mauvais caractère et sa tendance à lever les yeux au ciel à tout bout de champ. et contre toute attente, connecter avec lui n'est pas particulièrement compliqué. ouvert d'esprit et tranquille, cultivé et habile dans ses mots lorsqu'il daigne les manipuler, il en est quelqu'un de potentiellement agréable à côtoyer. ce qui est difficile, c'est de lui parler. d'obtenir le droit à une audience, comme sa mère le soupire parfois. lorsqu'on y parvient, c'est un être d'une étrange sociabilité. douce, et presque étonnante dans le confort qu'elle procure. pour peu qu'on ait la volonté de passer par-delà ses airs ennuyés et sa mauvaise humeur coutumière.

// le sport, c'était toute sa vie. c'était sa promesse de se vider la tête, et le meilleur moyen d'y parvenir. lorsqu'il n'était pas coincé sur un terrain de basket, il avait son skate sous les pieds, l'été. l'hiver était plus long, mais le hockey avait au moins le mérite de le distraire. besoin de bouger. besoin de se dépenser. grand, athlétique — mais jamais trop. du genre polyvalent. du genre à essayer tout ce qu'il pouvait. du genre à vouloir toujours se dépenser. ça lui permettait de ne pas être chez lui. ça lui permettait de se sentir bien. et depuis la rentrée dernière, c'est terminé. la fracture de la hanche et la prothèse qui l'ont empêché de se tenir debout seul pendant trois mois. et la rééducation, à n'en plus pouvoir. espoirs torpillés. plus jamais il ne pourra s'entraîner comme il a pu le faire durant toutes ces années.

// micky, il a presque toujours un casque sur les oreilles. besoin de se couper du bruit, et des voix alentours qui ne font que l'horripiler. besoin de n'avoir qu'à fermer les yeux pour se retrouver entièrement plongé dans un autre monde. curieux de nature, il a très tôt commencé à se promener dans les magasins de disque pour écouter sur les lecteurs publics. il en est devenu un fouineur invétéré, et a aujourd'hui une culture musicale qui en impressionnerait plus d'un s'il n'avait pas pour habitude de la garder sous silence. la musique est son monde, la musique est sa vie privée. il privilégie le casque aux écouteurs et aux amplis, pour ne pas avoir à partager. se fiche de dire ce qu'il écoute, ou qui il a découvert le mois dernier. sa bulle, elle est faite de notes et de sons — et il la protège autant qu'il le peut.

// ç'a étonné tout le monde, quand il a dit qu'il partait étudier en animation. tout le monde — ou presque. on ne se souvient pas vraiment du temps où il dessinait. on se souvient davantage de ses graffitis d'adolescent. de ses sacs barbouillés, de son skate entièrement retapé. de cette créativité qu'il a toujours laissé déborder étrangement, et que personne n'aurait imaginé être une véritable passion. il ne l'a jamais caché, pourtant. a toujours eu des dessins au coin de ses carnets — de ces petits dessins qui s'animaient lorsque les pages défilaient. un passe-temps presque trop naturel, qu'il a instinctivement décidé de transformer en domaine d'étude lorsqu'est venu le temps de l'université. le 3d l'intéresse, mais c'est le 2d qui le passionne véritablement. ses professeurs ont de tout temps douté de son implication et de ses capacités, ne constatant véritablement son potentiel qu'au moment de remettre les projets. et il est resté distant, micky — avec ça comme pour le reste. distant, jusqu'à ce qu'être coincé dans un fauteuil roulant ne lui laisse plus vraiment d'autre passe-temps. qu'il n'oublie de noter ses cours, pour se contenter de dessiner. un passe-temps devenu obsession, dont il est parfois difficile de le tirer lorsqu'on veut lui parler.

// malgré ses légers problèmes avec l'interaction humaine, il a toujours été bon avec les animaux. du genre à comprendre d'instinct ce qu'ils voulaient, et à les attirer autant qu'il ne pouvait avoir de la facilité à les faire obéir. ça lui a valu d'être rapidement accepté pour travailler dans une petite animalerie en basse-ville. il n'y connaissait rien, au moment d'être embauché — mais il a appris. mué, comme pour tant d'autres choses, par sa facilité d'adaptation, et par son aisance naturelle avec les bêtes et leurs modes de vie. et malgré ses mois d'arrêt, il a repris dès qu'il a pu marcher. ça lui change les idées. la présence des animaux autour de lui l'apaise. et si ce petit emploi avait au début été pris par défaut, il s'est trouvé à le regretter lorsqu'il en a été privé.

// il est des moments où il préfèrerait oublier que le surnaturel existe. formé trop jeune à ce que le monde contenait, pour qu'il soit capable de s'en tirer si un problème survenait. capable de penser clairement — et il l'a fait, pendant de nombreuses années. une certaine peur au ventre, et une envie de (uc)

○ supernatural › le surnaturel le fascinait, quand il était gamin — mais il a aujourd'hui appris à le redouter.

le surnaturel, il a toujours su que ça existait. papa estimait qu'il était important pour ses enfants de savoir ce qui se cachait dans l'ombre, et il le leur a vite expliqué. tant pis pour les cauchemars, tant pis pour la curiosité déplacée. il leur a dit. les monstres existent. n'a pas tardé à leur dire, je m'occupe de vous en protéger. et jamais il ne leur a demandé de l'imiter.

le surnaturel, il lui a fait peur, rendu à un certain âge. quand il s'est trouvé face à la réalité, elle l'a effrayée. trop différente de ce qu'il avait lu, de ce qu'il avait entendu. trop crue. il a voulu s'en éloigner. si son père voulait continuer ses trucs de cinglé, si sa soeur se plaisait à y plonger le nez et à s'en laisser submerger, tant mieux pour eux. lui ne voulait simplement plus y être mêlé.

le surnaturel, il a bien failli le tuer. il lui a donné raison, après toutes ces années — raison de s'en méfier. le surnaturel, il en rêve encore la nuit. il sent encore les griffes, et son coeur qui bat à en exploser. il sent encore les restes de neige craquer sous ses pas, entend encore ses propres cris en lisière de forêt. douleur fantôme de la cheville qui s'est brisée, de la jambe qui l'a immédiatement suivie. et le surnaturel a beau l'avoir tiré de cette désagréable échauffourée, il ne lui pardonnera jamais de l'y avoir dans un premier temps jeté.

le surnaturel, il le hait.

○ blackwater falls › blackwater falls l'a vu naître, et blackwater falls le verra très certainement crever. de ces trous dont on ne peut s'échapper. de ces villes qui vous happent, et qui trouvent toujours une bonne raison de vous garder. et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé de s'en échapper. pas faute d'avoir fugué, à de trop nombreuses reprises. d'avoir pris le large, et de s'être amusé à voir autre chose. voir le monde. sac à dos sur les épaules, skate dans la main ; ses papiers d'identité, et rien d'autre que son envie de liberté. et il n'a jamais su dire ce qui, à chaque fois, l'avait fait revenir. la fatigue de courir, peut-être. la fatigue d'être loin. la fatigue d'être seul. loin de tout ce qu'il a toujours connu, et qui lui manquait plus que ce qu'il ne voulait l'avouer. blackwater falls a son charme glauque, et il le lui accorde de plus en plus avec les années. l'aimant autant qu'il la hait. conscient qu'il n'en partira sûrement jamais.