Il avait plu toute la nuit. La pluie avait tambouriné contre les fenêtres de sa chambre, la gardant à demi-éveillée pendant plusieurs heures. Une pluie presque glacée, qui avait créé comme des éclats de verre, et qui avait empêchée Viola de dormir convenablement. Ce n’était qu’au petit matin, alors que le soleil pointait déjà timidement le bout de son nez, qu’elle était parvenue à sombrer. Walter, par contre, avait décidé que sa journée était commencée et était venu se frotter le museau contre sa tempe. C’était donc les muscles rigides et l’humeur maussade que Viola s’était levée. Heureusement, c’était un jour de congé pour elle et sa soeur était au boulot - elle était donc tranquille à l’appartement. Après avoir brièvement promené Walter, elle s’était autorisée à rester en pyjama et à se prélasser, procrastinant sur les taches qu’elle s’était promis de faire - il était plus de quatre heures, déjà, quand elle se mit finalement en marche. Les yeux fatigués, un peu d’air frais allait lui faire du bien.

Après être passé faire les courses à l’épicerie du coin, s’assurant d’avoir à manger pour quand sa soeur allait rentrer, Viola s’était souvenue qu’il manquait des croquettes pour Walter - et qu’un tour à l’animalerie s’imposait. L’idée lui vint naturellement, peut-être même un peu trop rapidement. Micky. Micky travaillait dans une animalerie. Des semaines, déjà, depuis le fameux incident - des semaines depuis qu’elle n’avait fait que rapidement le croiser sans vraiment avoir le temps de discuter. Elle n’avait jamais insisté, voyant bien qu’il avait besoin d’être seul et qu’il ruminait ce qui s’était passé. Viola comprenait ce genre de réaction - elle l’avait fait plus d’une fois par le passé. Et si Micky avait besoin de temps en solitaire pour se remettre de tout ça, et pour être capable d’un jour tourner la page, alors qu’il le prenne. Viola allait bien être la dernière à venir l’emmerder. Mais un petit tour à l’animalerie ne ferait pas de mal pour voir comment il allait - si, au moins, il se tenait debout. C’était l’excuse parfaite, et Viola n’hésita pas. Walter à ses côtés, laisse entre les doigts, elle enfila son manteau, son foulard et son bonnet pour se diriger vers l’animalerie.

Elle aimait bien l’hiver, Viola - la givre et la neige folle. Même le froid, elle ne détestait pas. C’était pareil pour Walter, qui se jetait dans les tas de neige à la première occasion - et Viola du tirer un peu sur la laisse à quelques fois pour le convaincre de continuer de suivre. L’animalerie n’était pas bien loin - et elle passe la porte sous le son de la petite cloche, jetant un regard furtif vers le comptoir principal. À sa satisfaction, c’était bien Micky qui se tenait là - Micky qui avait l’air franchement emmerdé par la dame en face de lui, et qui ne semblait vouloir qu’entrer six pieds sous terre. Sourire aux lèvres, Viola tend l’oreille pour capter quelques bribes de la conversation et ne peut s’empêcher de ricaner doucement, faisant mine d’observer les jouets pour chien. Walter, lui, reste tranquille malgré les tentations, reniflant plutôt le jeans de sa maîtresse.

Elle voit que la transaction se complète, et se dirige donc vers le comptoir. Les yeux paisiblement posés sur Micky, Micky et ses traits fatigués, Micky et les ombres dans son regard. Il semble presser de filer, mais son regard capte le sien et il s’arrête. Viola sourit simplement. « … Oh. » Elle ne sait pas trop s’il est content ou pas de la voir - mais elle ne lui en tient pas rigueur. À travailler avec les gens comme il le faisait, elle serait probablement de la même humeur. « Hi. » « Hey. » Il semble hésiter, le badge déjà presque à moitié enlevé, mais finalement se ravise avec un léger soupir. « What d’you need ? » Elle désigne Walter d’un signe de la tête, sagement assis à ses côtés. « Just some food for him. » Sourire léger aux lèvres, ne pouvant s’empêcher d’observer son interlocuteur. Les bouclettes, le regard, le dos légèrement vouté. « Eager to get home, huh ? » Elle baisse les yeux vers le badge, haussant légèrement les épaules. « Can’t blame you. » Elle en avait eu, des boulots, Viola, au cours de sa vie - elle savait ce que c’était, d’avoir à gérer les gens quand on préférait largement être seul. Mais malgré la mauvaise humeur, elle était déjà rassurée de voir que Micky se tenait debout - et qu’il était là, au moins, au boulot. C’était ça de gagné. « If you need to go, that’s all right. I can ask someone else. » Ne voulant pas le retenir, ne voulant pas l’empêcher de partir - juste heureuse d’avoir pu le croiser, et d’avoir au moins vu qu’il était là. Qu’il tenait le coup, de quelque manière que ce soit - mais qu’il tenait le coup.